Curiosity découvre des molécules organiques sur Mars, mais représentent-elles une forme de vie ?

Curiosity découvre des molécules organiques sur Mars, mais représentent-elles une forme de vie ?

Sur Mars, les analyses de Curiosity établissent de façon solide la présence de molécules organiques au sein de roches sédimentaires. Ses instruments confirment également la présence de variations saisonnières de méthane dans l'atmosphère autour de lui.

Méthane et molécules organiques pourraient être des biosignatures de formes de vie mais leurs origines pourraient également être abiotiques, autrement dit la conséquence d'une influence de  l'écosystème sur le vivant. La découverte de la vie sur Mars n'est donc pas encore faite.

La toile bruissait légèrement depuis quelques jours après l'annonce par la Nasa d'une conférence pour ce jeudi 7 juin 2018, présentant une découverte faite par le rover Curiosity. Rappelons qu'il roule depuis le mois d'août 2012 sur les couches sédimentaires à l'intérieur d'un cratère martien dénommé Gale. L'annonce avait été accueillie toutefois avec un brin de scepticisme, voire de lassitude, tant il est vrai que bien des annonces similaires de la Nasa avaient laissé espérer une découverte spectaculaire alors qu'il n'en fut rien. Cette fois, l'annonce de la Nasa est heureusement loin du flop qui pouvait être craint.

Des biosignatures ambigües de vie martienne

La biogéochimiste et géologue Jennifer Eigenbrode vient de révéler que Curiosity a détecté dans des roches sédimentaires datant d'environ 3,5 milliards d'années la présence incontestable de plusieurs molécules organiques datant de cette période. Plus précisément, il s'agit de composés thiophéniques, aromatiques et aliphatiques. Or, on sait que ces roches se sont déposées à cette époque dans un lac.

La présence durant plusieurs années de Curiosity dans le cratère d'impact Gale a également permis de suivre les émanations de méthane, inexpliquées. Le fait est aujourd'hui avéré : elles sont cycliquement modulées par les saisons martiennes. Plus importantes en été, elles se réduisent en hiver. Sur Terre, ces suintements saisonniers peuvent être produits par des bactéries méthanogènes.

Jennifer Eigenbrode a cependant mis les points sur les « i ». Les molécules organiques repérées ainsi que les suintements de méthanes saisonniers ne sont pas nécessairement d'origine biologique. Des phénomènes abiotiques, donc découlant de processus physicochimiques, pourraient les expliquer. En l'état, les instruments de Curiosity ne permettent pas de trancher.

Mais ces résultats sont tout de même très encourageants surtout pour la mission ExoMars 2020, de l'ESA, actuellement en préparation. Elle devrait déposer à la surface de la Planète rouge un rover de 300 kg doté d'une foreuse capable de ramener une carotte prélevée jusqu'à 2 mètres de profondeur. Un laboratoire capable d'analyser l'échantillon et d'identifier des marqueurs biochimiques prévu à bord de l'engin pourrait donc faire une découverte révolutionnaire.

En attendant, on peut consulter les deux articles scientifiques publiés dans le journal Science et qui donnent plus de détails sur les découvertes faites par Curiosity. Elles ont été rendues possibles par Sam, un ensemble d'instruments de mesure aptes à déterminer la composition chimique de l'atmosphère de Mars et du sol martien, développé par la Nasa avec une participation des laboratoires français Latmos et Lisa.

  • Organic matter preserved in 3-billion-year-old mudstones at Gale crater, Mars
  • Background levels of methane in Mars’ atmosphere show strong seasonal variations

Les échantillons de roche étudiés ont été prélevés avec une foreuse dans des blocs de mudstone, une fine roche sédimentaire argileuse cousine du limon. Sam a donc détecté des molécules organiques présentes sous la surface de Mars. Les précédentes détections faites avec Curiosity étaient critiquables car ambigües. Ce n'est plus le cas avec le nouveau protocole d'utilisation des instruments de Sam mis en œuvre par les chercheurs.

Le XXIe siècle ne fait que commencer. Gageons que nous aurons les réponses à toutes les questions que soulèvent cette découverte avant 2050.

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