Le navigateur Yvan Bourgnon imagine un quadrimaran pour nettoyer les océans - réalité ou utopie ?

Le navigateur Yvan Bourgnon imagine un quadrimaran pour nettoyer les océans - réalité ou utopie ?

Il s’appelle Yvan Bourgnon. C’est un marin exceptionnel avec un projet immense : entamer le nettoyage des océans avec un voilier quadrimaran pour collecter les monceaux de plastique qui s’y accumulent exponentiellement.

Le projet pourrait être celui d'un doux rêveur. Un voilier de très grande taille, tirant une sorte de peigne de 72 m de large, ratisse la mer et récupère tout ce qui y flotte. Puis une grue, un tapis roulant ou des bras humains hissent les détritus qui s'accumuleront, compressés, dans les deux coques centrales de 150 tonnes de contenance. Le projet sera présenté la semaine prochaine, lors de la COP 22 à Marrakech.

Devant une telle idée, un esprit rationaliste produit spontanément une série d'objections. Voilà qui n'arrête pas Yvan Bourgnon, celui qui, en 2014, a bouclé un tour du monde sur un catamaran de sport, un bateau non habitable donc. Et justement, c'est le constat qu'il a alors réalisé, si près de la surface de l'eau, qui a déterminé ce qui est aujourd'hui un projet de vie. « À 10 ans, j'ai fait un tour du monde avec mes parents. Il n'y avait pas de plastique. 33 ans plus tard, il y en a partout. » 

Comme nous l'expliquions au début de cette année, une étude récente menée par la fondation Ellen MacArthur et le cabinet McKinsey, estime qu'en 2050, la masse de plastique présente dans l’océan sera égale à celle des poissons. Selon ce travail, la progression est exponentielle, avec un triplement entre aujourd'hui (150 millions de tonnes) et 2050 (750 millions de tonnes).

Des actions de ramassages de déchets en mer très ciblées

Alors que peut faire un bateau ? « On ne va pas tout ratisser ! répond le marin. Mais on peut faire deux choses. D'abord travailler sur les zones les plus contaminées, environ 10.000 sur la planète, et faire du ramassage alors que les déchets ne sont pas encore très fragmentés donc récupérables. Là, on est dans la bande côtière, disons 180 km, et ces sites sont bien connus. La deuxième est de mener des actions ponctuelles, rapides, quand des pollutions accidentelles se produisent en cas de grandes inondations. En Europe, cela a été le cas cet hiver avec les inondations en baie de Seine qui ont envoyé de grosses quantités de déchets dans la mer. Mais c'est surtout vrai en Asie du sud-est, après des typhons. »

La solution finale, bien sûr, est de réduire, voire d'arrêter, le rejet de matières plastiques en mer. Yvan Bourgnon souligne que les ONG et les États font du beau travail dans ce sens mais qu'il faudra des décennies pour résoudre le problème alors que les populations côtières ne cessent de grandir sur la planète« Il faut aussi aller chercher les déchets. En ville, heureusement, il y a des gens qui ramassent les mégots... ».

Manta, le bateau éboueur d'Yvan Bourgnon, est à l'étude 

Reste que le bateau-éboueur n'existe pas : il fallait l'inventer. C'est fait. Ce sera le Manta, un quadrimaran avec deux mâts pour un gréement classique plus un « kite », une voile ressemblant à un cerf-volant. « La formule quadrimaran donne une largeur très importante de 49 m et permet de canaliser l'eau en trois passages, vers les herses, qui sont à l'arrière. Inspirées des fanons de baleines, elles dépassent d'un mètre au-dessus de l'eau et descendent à 1,50 m. Avec leur forme triangulaire, elles ramasseront les macrodéchets flottants ou entre deux eaux. »

En mode récolte, le Manta avancera à moins de 4 km/h, ce qui évite de piéger les mammifères marins. Le vent devra être d'au moins 8 nœuds (près de 15 km/h) et pas trop fort (moins de 30 nœuds). « Cela représente 80 à 85 % du temps, soit 280 à 300 jours par an » estime Yvan Bourgnon. Des tapis roulants entraîneront les déchets vers les soutes des deux coques centrales, de 300 m3 chacune. Une grue servira à récupérer les filets dérivants, « qui finissent par former de grosses boules ».

La construction est encore loin d'avoir commencé et l'équipe de l'association The Sea Cleaners en est à une opération des crowfunding sur Kiss Kiss Bank Bank« Cette opération de recherche de fonds ne couvrira que 80.000 euros, sur les 200.000 de la première étape. Pour nous, c'est une bonne mesure de l'adhésion du public. Et cela fonctionne mieux que ce que nous avions prévu puisque nous avons déjà récolté plus de la moitié de la somme. » Cette première étape, c'est la réalisation d'un catamaran expérimental pour valider les techniques. Le quadrimaran sera pour plus tard. « J'ai signé pour trente ans... »

Source : futura-sciences.com

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