Découvrez le film Voyage au coeur d'un trou noir par l'astrophysicien Alain Riazuelo

Découvrez le film Voyage au coeur d'un trou noir par l'astrophysicien Alain Riazuelo

Grâce à des modèles numériques basés sur les lois de la physique, ce documentaire coécrit par Alain Riazuelo décrit un voyage à la rencontre du trou noir, l'astre le plus mystérieux du cosmos.

Pour un auteur de science-fiction, décrire un voyage interstellaire en direction d’un trou noir relève de l’intuition. Après une écrasante accélération, nous verrions les étoiles défiler à grande vitesse. Et puis soudain, il serait là : un vaste trou noir semblable à un vortex, crachant peut-être des fontaines de matière azurée.

Un tel voyage nous est presque familier, pourtant il est contraire aux lois de la physique, comme le démontre Alain Riazuelo, astrophysicien à l’Institut d’astrophysique de Paris, dans une modélisation décoiffantes. 

Reprenons notre voyage, l'objectif est d’atteindre Epsilon Eridani, une étoile un peu plus petite que notre Soleil, située à 10,4 années-lumière de nous. Cette étoile est devenue mythique, lorsque Francis Drake pointa le radiotélescope de Green Bank à la recherche de signaux émis par une hypothétique civilisation extraterrestre. En vain.

Fort de cette référence et des rumeurs littéraires qui font de cette étoile le lieu de naissance de Mister Spock, l’homme aux oreilles pointues de Star Trek, Alain Riazuelo y a niché un trou noir de type stellaire.

Imaginons qu’au 30e siècle nous disposions des technologies pour voyager jusqu'au trou noir

Ce cadavre extrême naît lorsqu’une étoile très massive (10 masses solaires et plus) arrive en fin de vie. A ce stade, l’énergie diffusée par la fusion nucléaire au cœur de l’étoile ne suffit plus à contrer la force gravitationnelle qui s’exerce en son sein.

Les couches externes de l’étoile agonisantes sont alors expulsées dans l’espace par le souffle de son explosion en supernova, tandis que les couches internes s’effondrent sur elle-même. L’étoile implose, indéfiniment. L’objet qui en résulte est extrêmement massif et compact, exerçant autour de lui une force gravitationnelle sans égale : rien ne peut résister à son attraction, et les rayons lumineux eux-mêmes demeurent piégés à jamais. 

Si l’on espère atteindre Epsilon Eridani à l’échelle d’une vie humaine, il nous faut un vaisseau extrêmement rapide : à la vitesse de la lumière il nous faudra tout de même plus d’une décennie. Une telle accélération nous pulvériserait, tant la force de gravité serait écrasante. Et nul alliage de titane ne pourrait nous en préserver.

Aberration

Néanmoins, imaginons qu’en ce trentième siècle nous disposions des technologies nécessaires. Nous voici propulsés dans l’espace à une vitesse approchant les 70% de celle de la lumière. Loin de défiler de part et d’autre, les étoiles semblent venir de l’arrière. Les rayons lumineux semblent se concentrer au centre de notre champ de vision en une flaque de lumière éblouissante.

Nous sommes maintenant à 99% de la vitesse de la lumière et nous ne voyons plus rien. Cet effet est dû à un phénomène "d’aberration de la lumière", semblable à celui de la pluie sur le pare-brise d’une voiture. Peu à peu, toute la voûte céleste qui était dans notre dos semble passer devant excepté le point situé exactement dans notre dos. 

C’est James Bradley qui a mis en évidence ce phénomène vers 1725. Le phénomène d’aberration a une conséquence déconcertante : alors que l’on accélère à des vitesses proches de celle de la lumière et que la lumière émise par tous les objets se concentre dans la direction vers laquelle nous filons, nous avons pourtant l’impression de reculer !

Dédoublement d’étoiles et images fantômes

Le trou noir est maintenant en vue, découpant son ombre sur un somptueux tapis d’étoiles. Notre vaisseau est installé sur une orbite circulaire, à distance respectable, pour ne pas subir l’influence gravitationnelle de celui-ci, il nous faut en effet adapter la vitesse à l’altitude. Plus nous approchons du trou noir, plus il faut aller vite et dépenser une énergie de plus en plus phénoménale.

Mais il y a une limite à ce jeu d’équilibriste, appelée "sphère des photons" : sur cette orbite, la vitesse de satellisation est égale à celle de la lumière, ce qui signifie que seuls les photons peuvent frôler le trou noir si près avec une chance d’en réchapper.

Autour de l’astre mort, cependant, se produisent d’étranges phénomènes optiques. Les étoiles se dédoublent de chaque côté, dansant autour de lui une ronde lumineuse. A distance, les objets apparaissent comme distordus. La traînée gazeuse de la Voie lactée elle-même s’arrondit et son double dessine une boucle sous le trou noir.

Tous ces mirages visuels sont dus à la déflexion des rayons lumineux. Prédit par Albert Einstein en 1915 dans le cadre de sa théorie de la gravitation, cet effet fut confirmé en 1919 lors d'une éclipse de Soleil, qui permit d’établir que les rayons lumineux qui rasaient le bord du Soleil était défléchis de 1,75 seconde d'angle.

Ce phénomène devient bien plus important encore aux abords d’un trou noir. Un photon qui s’aventurait à proximité d’un trou noir serait comme happé par son extraordinaire force gravitationnelle. S’il ne dépasse pas la sphère des photons, il pourrait faire plusieurs orbites avant de repartir avec un angle différent. Pour l’observateur, c’est comme s’il y avait plusieurs sources de rayons lumineux. Ce détournement de lumière crée une infinité d’images fantômes à proximité du trou noir. Plus étonnant encore, les étoiles situées derrière nous peuvent être aperçues aux abords du trou noir, certains de leurs rayons ayant été déviés par le trou noir, qui sert alors de rétroviseur cosmique.

Spaghetti

Parti pour un voyage sans retour, notre vaisseau file maintenant droit devant. Si la femme élastique nous précédait dans cette descente infernale, ses pieds seraient d’abord attirés imperceptiblement vers l’astre mort, puis son corps s’allongerait jusqu’à lui donner la forme d’un long spaghetti.

Il y a pourtant une frontière qui sépare la région où tout est encore possible de celle où notre destin sera définitivement scellé. Hélas ! Ce point de non retour n’est absolument pas repérable. A l’instar du nageur qui ne ressent rien au moment où il se fait happer par les courants qui vont l’emmener vers la chute d’eau, il ne se passe rien au moment où nous passons l’horizon du trou noir.

Peu à peu, la silhouette sombre du trou noir emplit le champ de vision, nous enveloppe, et nous avons l’impression que le ciel nous tombe sur la tête. Notre dernière vision avant de heurter le centre du trou noir, c’est celle d’un anneau extrêmement lumineux qui nous encercle de part et d’autre. Nous ne ressortirons pas du trou noir et ne pourrons jamais partager notre expérience, puisque aucune information de pourra ressortir.

Notre seul espoir désormais relève de la science fiction : si les trous de ver existent, nous pourrons peut-être ressortir dans un autre Univers. Mais si la théorie n’interdit pas leur existence, leur existence demeure hautement improbable…

Source : sciencesetavenir.fr

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