L'incroyable biodiversité des abysses du Pacifique doit être préservée de l'exploitation minière

L'incroyable biodiversité des abysses du Pacifique doit être préservée de l'exploitation minière

Un récent recensement montre qu'une faune nombreuse peuple les fosses marines de l’océan Pacifique. Un argument de poids pour éviter que ces abysses ne fassent l’objet d’une exploitation minière.

Y a-t-il des animaux vivant entre 4000 et 5000 mètres de profondeur sur les 9 millions de km² de la zone de fracture Clarion-Clipperton (CCZ) ? Oui et ils sont même abondants, répondent deux équipes scientifiques battant en brèche la croyance que ces zones marines du Pacifique ouest sont quasiment vides de vie.

Cette réponse scientifique aura des conséquences économiques importantes. Située entre Hawaii et la côte ouest du Mexique, la CCZ est en effet la région marine où l’on rencontre la plus grande masse de nodules polymétalliques, ces gros galets constitués de manganèse, de fer, de silicium, de nickel, de cuivre, d’aluminium et de cobalt.

Le potentiel minier est faramineux. On estime que le poids des nodules sur CCZ attendrait 34 milliards de tonnes, dont 350 millions de tonnes de nickel et 275 millions de tonnes de cuivre. L’Autorité internationale des fonds marins, créée pour gérer au nom de la communauté internationale ces espaces situés hors des zones maritimes des Etats, délivre depuis le début du siècle des permis d’exploration pour quantifier ces réserves minières et surtout évaluer la biodiversité de ces eaux. Les études environnementales sont obligatoires avant toute exploitation du milieu. C’est ce travail de recensement qui commence à être publié.

L’Ifremer est titulaire d’un de ces permis d’exploration. Dans le cadre du consortium européen JPI Océan dédié aux impacts écologiques de l’exploitation minière dans les fonds marins, l’organisme français et ses homologues allemands, belges et portugais ont mené une campagne de prise d’images et de vidéos. 

Leurs résultats publiés le 1er juin dernier montrent un bestiaire peuplés d’éponges, de coraux, de crustacés, d’étoiles de mer, de concombres de mer et de poissons. Les images montrent également une forte présence de Xénophyophores, les plus grands organismes unicellulaires connus, qui représentent l’essentiel de la biomasse des plaines abyssales.

Des animaux inféodés aux nodules

Mieux, le nombre d’animaux est corrélé à l’abondance des nodules polymétalliques. En comparant cinq sites où la densité de minéraux est différente, les chercheurs démontrent que les animaux sont deux fois plus nombreux là où se trouvent les nodules. Le navire scientifique a aussi inspecté des zones qui ont été draguées il y a plusieurs années lorsqu’il n’y avait pas encore de règles internationales pour l’exploration des fonds marins. Et le constat est inquiétant.

La faune n’a pas recolonisé les fonds océaniques qui ont été raclés pour récupérer les nodules. "Dans le milieu abyssal, dominé par de grandes plaines sédimentaires, les nodules constituent un type d’habitat unique, notamment pour les coraux et les éponges qui peuvent s’y accrocher, explique Lenaïck Menot. 

Lorsqu’on les enlève, non seulement cet habitat disparaît, mais les couches de sédiments sont elles aussi bouleversées. Cela pourrait conduire à une perte importante de la biodiversité à l’échelle des zones exploitées qui pourrait ne jamais revenir étant donné que les nodules mettent plusieurs millions d’années à se former."

Les travaux de l’université de Hawaii confirment l’existence de cette biodiversité et soulignent le degré de méconnaissance de cette faune. Les chercheurs américains ont en effet pu effectuer des prélèvements d’animaux en utilisant un robot sous-marin sur quatre sites permettant un échantillonnage sur 900 km².

« La plus grosse surprise de cette étude, c’est la vaste diversité, le grand nombre de nouvelles espèces trouvées et le fait que plus de la moitié des espèces vues sont inféodées aux nodules », confirme Diva Amon, principal auteur de l’article.

Les fonds sont fréquentés par plus de 200 morphotypes et sur les 12 espèces qui ont pu être remontées à la surface, 7 sont inconnues de la science et quatre appartiennent à un nouveau genre. Le taux d’endémisme semble donc très élevé. Par ailleurs, les chercheurs hawaiiens ont calculé une densité de 1,58 animal par m². On est très loin d’un milieu désertique. Exploiter les nodules ne se fera donc pas sans la destruction d’un milieu encore largement inconnu.

Source : sciencesetavenir.fr

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